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Le visage dans l’histoire de l’art à Lausanne

Les histoires cachées derrière les célèbres visages féminins immortalisés par les grands peintres. Un détective-journaliste révèle dans un livre qui sont ces protagonistes oubliés

Les femmes dans l’art : les modèles des grands peintres

Il y a des visages peints que nous gardons en mémoire, que nous reconnaissons au premier coup d’œil : « Là, c’est la Vénus de Botticelli, là la Vierge à l’Enfant de Lippi, c’est l’incontournable paysanne du Gothique américain de Wood, à côté de l’homme à lunettes tenant une fourche, et ça… mais oui, c’est la femme du bar dans le légendaire Hopper ! Et le seul nom qui revient est celui du peintre qui les a immortalisés avec son célèbre pinceau. De grands artistes, après tout. Mais étant donné que le portrait capture les visages de personnes réelles, comme s’il s’agissait de photographies, nous sommes-nous jamais arrêtés pour nous demander qui étaient réellement ces femmes, dont les traits nous sont si familiers, dans leur vie quotidienne, dépouillés des vêtements que le peintre leur a mis (ou enlevé, parfois) ?

Les femmes dans l’histoire. L’autre moitié de l’art

Les vies derrière les tableaux

Des femmes inconnues ou presque, célèbres comme images dans l’histoire de l’art, dans le livre de

C’est ce qu’a fait la journaliste Lauretta Colonnelli dans son beau livre Le Muse nascoste, qu’elle sous-titre : Les protagonistes oubliés des grandes œuvres d’art. Le résultat est une anthologie passionnante de vies de femmes de différentes époques, classes et lieux, toutes plus intrigantes les unes que les autres. A commencer par la première à ouvrir la splendide séquence, celle de Marguerite Matisse qui était la fille du célèbre Henri, le grand maître du fauvisme. L’auteur examine le célèbre portrait de 1907, peint par son père, qui la montre comme une jeune fille de treize ans au regard vif et portant une épaisse bande noire autour du cou.

 Le tableau est très célèbre, même Picasso l’a voulu, mais personne n’y a pensé :

La jeune fille porte une ceinture noire autour du cou, c’était la coutume, c’était la mode. Mais l’oeil de Lauretta va bien. Elle voit plus loin que ça. Cette ceinture semblait trop épaisse sur le cou blanc et fin de la fille. Et il revient également dans les portraits ultérieurs : elle le porte jusqu’à ce qu’elle soit vieille. Pourquoi ? La curiosité devient enquête et ouvre des portes inconnues. Cette écharpe, juste le début de l’histoire Il s’avère que l’écharpe « recouvrait une profonde cicatrice et le souvenir d’un épisode dramatique survenu sept ans plus tôt », lorsque la petite fille, qui avait contracté la diphtérie, a subi une trachéotomie d’urgence sur la table de la cuisine pour lui sauver la vie.

Ce n’est que le début de son histoire :

A l’âge adulte, Marguerite s’est battue contre les nazis et a donc été capturée par les Allemands. « Lorsqu’elle émergea de six mois de captivité, défigurée par les tortures de la Gestapo » après s’être échappée du train qui l’emmenait vers le camp de concentration de Ravensbrück, bombardé par les alliés, « son visage était mutilé, ses yeux piquants, ses os brisés, ses mains meurtries et enflées ». Un médecin a dit que c’était un miracle qu’elle ait survécu ». Son père comprit qu’il ne pouvait pas lui poser de questions, mais qu’il y avait un moyen de l’aider, elle, la femme héroïque qu’était devenue sa petite fille dans le vieux tableau : « Il se remit à dessiner des portraits de sa fille, plusieurs, pendant des jours et des jours. A chaque nouveau dessin, les traits meurtris et contractés de Marguerite semblaient s’atténuer. Dans le dernier dessin de la série, le visage de Marguerite apparaît enfin « en paix ». Comme si le fait de visualiser sa douleur l’avait aidée à la surmonter, petit à petit. N’est-ce pas une formidable histoire qui jaillit de la toile ? Il y a 16 histoires de ce type dans le livre.

« Il y a des femmes transfigurées dans l’idéal féminin, comme Simonetta Cattaneo, mariée à Vespucci, amante de Giuliano de’ Medici, frère de Lorenzo il Magnifico, et muse de Botticelli, qui répliqua sans cesse son image dans Vénus, Grâces et Primavera et immortalisa avec elle le concept de beauté des néoplatoniciens ». Giuliano a failli devenir fou de chagrin lorsqu’elle est morte très jeune, dans des circonstances encore mystérieuses.

L’amour interdit avec la jeune nonne

LA NANA LUCIA Peinte entre 1465 et 1474 par Andrea Mantegna sur les murs de la chambre nuptiale : que son nom était Lucia n’a été découvert qu’en 2017 par l’historien Rodolfo Signorini. Nain de cour, détail du Mur de la Cour, 1465-1474, par Andrea Mantegna

(1431-1606), fresque. Château de San Giorgio, Chambre de mariage ou Camera Picta, Mantoue.

À son opposé esthétique se trouve la Nana de Mantegna, qui était aussi l’une de ces anonymes que Michel Foucault qualifiait d' »hommes infâmes », non pas parce qu’elle n’avait pas de morale, mais parce qu’elle n’avait pas de renommée, pas de voix, pas d’histoire à raconter sur elle-même. Parmi eux, les bouffons de la cour, marqués par les handicaps les plus divers : nains, bossus, fous, etc.

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